Voici une série d'expressions que l'on entendait à Mers-el-Kébir (et en Oranie). Ces mots sont souvent des déformations de l'espagnol, de l'italien ou bien de l'arabe.
Vous trouverez une grande partie de la signification de ces expressions dans les deux volumes de "Le Parler des pieds-noirs d'Oran et d'Oranie d'Amédée Moréno aux Editions Les Vents-Contraires.
Lexikébir
Lexique de Kébir
A
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B
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C
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D
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J
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V
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X |
Y
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Z
*** Des phrases
INFLUENCE DE L’ESPAGNOL DANS LE FRANÇAIS
DES HISPANOPHONES ORANIENS Nous savions déjà combien la pratique du bilinguisme avait eu pour conséquence la disparition de certains mots de vocabulaire espagnols au profit de mots français.
Ainsi donc on entendait dire : el trottoir, el buffet, el évier, la
brouetta, el poteau, sans oublier, las carrotas, las prunas etc...
Par ailleurs le français des hispanophones aussi subissait l’influence
de la langue espagnole.
Utilisation fréquente d’hispanismes. Ces expressions espagnoles toutes
faites que
certains traduisaient, mot à mot dans leur tête, en français, que tous
comprenaient très bien mais qui souvent étaient inintelligibles pour les
non-hispanophones.
Attention ! Tous ne s’exprimaient pas ainsi. Cette imbrication des deux
langues est un phénomène surtout observé chez les hispanophones nés avant
les années 30.
C’était le cas dans les foyers où l’analphabétisme sévissait encore et
où la présence de grands-parents exclusivement hispanophones, la
vie en communauté dans les patios, l’ambiance espagnole durablement sauvegardée
dans les rues des faubourgs, imprégnaient fortement le discours
populaire.
C’était aussi le cas des
familles où on avait peu fréquenté l’école, parce qu’il y avait eu
urgence à se mettre au travail très jeune pour aider les parents à «
faire bouillir la marmite ».
Les générations nées entre 1930 et 1940 étaient moins affectées par ces erreurs de langage. Progression de l’usage du français grâce à la poursuite des études et disparition des vieilles générations, ne parlant exclusivement que la langue espagnole.
Ceux nées après
1940,
parvenaient aisément
à éviter ces
incorrections, encore que certaines expressions avaient encore la vie
dure et résistaient.
Parmi la génération en voie d’extinction, certains continuent encore de
nos jours, en 2003, à utiliser, quarante ans après, ces expressions
incorrectes, marquées du sceau espagnol.
Ceci contribue à ce que jeunes et anciens se souviennent toujours de ces expressions
si savoureuses.
Nous avons tous en mémoire l’œuvre de Gilbert Espinal, «
el patio de Angustias »(
ORAN –1958) qui nous a tant fait rire. Mais la caricature est ici une
recherche permanente, de tous les instants, pour amuser un public
lecteur, en forçant constamment le
trait.
Si les exemples ici choisis pour illustrer cette façon de parler bien
particulière à l’Oranie, prêtent
souvent à sourire, ne perdons jamais de vue cette interrogation : «
Serions-nous en mesure de mieux faire dans la langue espagnole ? »
C’est donc en pensant à la génération de mes parents, à de nombreux amis
de faubourgs que je m’autoriserai à souligner ces phénomènes de langue.
J’énoncerai donc, tout d’abord, la phrase avec ses particularités. Je
donnerai, entre parenthèses, le sens désiré par l’interlocuteur et pour
finir, j’écrirai
la phrase espagnole d’inspiration.
Voici donc quelques exemples de notre chère prose :
I) La
jeunesse, les études, les jeux
-Ce prof aime s’entourer de quelques «
tchoupons ».
Je ne l’aime
pas. ( Des fayots). Ce mot vient du verbe «
chupar », sucer.
Ce sont donc des suceurs. Son
chupones.
- Le maître nous a « calés »
en train de copier l’un sur l’autre.( Il nous a surpris, il a deviné nos
intentions) – El
maestro nos ha calado.
- Mon
père m’a dit : « A
voir si »
tu obtiens un bon bulletin ce mois-ci ! (Nous verrons si….). A
ver si….
- Comme
j’ai bien travaillé en classe, mon parrain m’a acheté un vélo de course
« plus
joli !
»( Très joli). Más
bonito !
- En
l’absence des parents, nous étions« ni
plus tranquilles !
»(Bien tranquilles !) Ni
más tranquilos
- Je
« ne
peux plus »
avec ces gosses, ils ne m’obéissent plus ! ( Je n’en viens plus à
bout). Ya
no puedo más con estos críos.
- Dis
Jeannot, tu ne vas pas me dire que cet imbécile de Pierrot « il
te peut »,
à toi ! ( Il est plus fort que toi). Te
puede a ti.
- Je
me suis fâché avec René, parce qu’il « se
le croit trop !
» ( C’est un orgueilleux !). Se
lo cree mucho !
- Le
petit voisin c’est «
un cahouète », il
a dit à tout le monde qu’il m’avait vu avec des garçons au jardin
public. « Total
que »
mon père
il ne me laisse plus sortir seule.(C’est un rapporteur…Conclusion, mon
père ne me laisse plus…Alcahuete est
un mot espagnol emprunté au vocabulaire arabe « al-qawwad »,l’entremetteur
ou le rapporteur. Certains disaient cahuete
, débarrassé
de l’ancien article arabe « al ». Nous
avons aussi le verbe «
alcahuetear »,servir
d’alcahuete.) Es
un alcahuete…Total que mi padre ya no me deja salir sola.
- Mon
fils ! Ce copain a abandonné ses études et toi tu as un examen
en fin d’année. Alors,
« lâche-lui du fil ! ».(
Prends un peu tes distances
avec lui !)Déjale
hilo !On
disait aussi dans le même esprit «
Déjale hilo a la bilocha » ( la birlocha) (
lâche du fil au cerf-volant… pour
qu’il s’éloigne)
- Je
suis contrariée.
Ce matin le lait «
s’est coupé »
et mes enfants sont allés à l’école sans prendre leur petit déjeuner. (
Le lait a tourné). Se
ha cortado la leche !
- Tu
as vu la Marie Jeanne qui disait tellement de bien de son fils. Eh bien
! Il «
a fait tchoufa »
à son examen. (Il s’est couvert de ridicule, il a échoué). « Chufa
»c’est
une farce, une plaisanterie.
- «
Ma fille !
» ( Tu
te rends compte !) Le curé veut qu’on paye les cierges de la procession
des communiants, et à quel prix ? Surtout qu’après il les reprend aux
enfants « Ah
ça oui que non !
» (Absolument pas question !). Hija
mía !
…….Eso
sí que no !
- Cette
gamine, elle «
est faite une bonne saeta »
!( C’est une bonne maline,
elle sait bien manœuvrer). Le
mot saeta désigne une
flèche. Está
hecha una buena saeta.
- Ma
fille «
me donne le martyre pour » aller
au cirque. (
Elle m’ennuie beaucoup parce qu’elle veut….). Me
está dando martirio porque quiere…
- Celle-là
qu’est-ce qu’elle aime «
lui donner à la patte » ! (Elle
est toujours
en promenade.) Lo
que le gusta darle a la pata.
- Huy
mon fils ! Va « oucher les poules » qui
sont en train de manger les tomates du jardin.( Va chasser les poules…) Ve
a oxear las
gallinas !
- Paulo
ne fait que «
me chercher », à
la fin il va «
me trouver » et
je vais «
le gonfler ». (
Il ne cesse de me provoquer, il va trouver à qui parler, et je vais le
battre). Me
está buscando, me va a encontrar y lo voy a hinchar.
- Pour
la bagarre, celui-là c’est un «
pignol ». Il
n’y a personne qui «
lui peut ! »( C’est
un os ! Personne
n’est plus fort que lui !. Un «
pinyol » est
un noyau de fruit en valencien. «
Un hueso » en castillan).
No hay quien le pueda !
- Ce
joueur c’est un «
tchambón». Il
a marqué un but «
de carambola ». (Il
a réussi par hasard. Il a marqué un but par ricochet).
- Le
dernier match du Sporting (SCBA) contre La Marsa ( Mers-el-kébir),
c’était un match pala. La
Marsa avait besoin de points pour éviter la relégation. ( Un match
arrangé, combine). Cela vient
de l’expression
« Meter
la pala », tromper
avec dissimulation.)
- Ce
nouveau joueur, c’est «
un tchancla » ! Il
n’a pas sa place dans cette équipe.( C’est un mauvais joueur. « La
chancla »
désigne une savate.)
- Quand
on a appris la défaite de notre club et surtout le score sévère, 4à0,
nous sommes restés «
vilains ».( Tout
pantois !) . Nos
quedamos feos.
- Ce
junior, ce sera le meilleur joueur de l’équipe dans un an. « Aouá
! »
( Accentuez sur le dernier « a ». Jamais de la vie !) Aguá
!
- Ne
joue pas au football avec les « espargatés»
toutes neuves, que je ne vais pas t’en acheter une autre paire la
semaine prochaine ! (Les
espadrilles). Le mot «espargates »
est aussi une création oranienne, formée à partir des mots castillans « alpargates »
et « esparteñas »,
deux genres d’espadrilles
- « Tché
néné !
» Va jouer plus loin avec ton ballon que j’ai le gosse qui dort ! ( Dis
petit !) Che
nene !
- Toi,
le gardien, méfie-toi de cet attaquant, que c’est «
un zocato » dangereux
!( Un gaucher) Es
un zocato. Dans
la péninsule on utilise
plutôt le terme de «
zurdo ».
- Attention
calamar!
« Pour voir si » tu
me blesses!( Tu risques de me blesser !) Para
ver si me
lesionas !( Mots
prononcés par un joueur de foot de la JSSE d’Oran s’en
prenant violemment à un joueur de couleur Guadeloupéen du SCBA.)
- «
Ojalá » que
le temps s’arrange un peu et qu’on puisse faire notre match de foot.(
Dieu veuille !) Ce mot espagnol vient de l’arabe «
Inch’Allah ! » avec
le même sens.
- Le
Pierrot ? Plus «
boloso » que
lui tu meurs !( Plus menteur que lui tu meurs ! Adjectif purement
Oranien formé sur le nom familier « una
bola »,
un mensonge.)!
- Je
suis «
tchalé »
de la fille de l’épicier. ( J’en suis follement amoureux !)Estoy
chalado !
Du verbe chalarse,
être très épris) !
- Dès
que mon fils entend le marchand de « calentica »,
il me donne une «
matchaca ».(
« calentica »
mot Oranien désignant un genre de flan à la farine de pois chiches. En
espagnol cela veut dire « Toute chaude ! ». C’était ce que criait le
vendeur pour attirer les clients. «
Dar machaca »,
quelle scie !) Me
da una machaca !
- Le
Lucien, il lui a acheté une bague à sa fiancée qui a dû lui coûter « les
yeux de la tête »
! ( Une bague excessivement chère !) Le
habrá costado los ojos de la cara.
- Viens,
mon fils ! Je vais te laver avec l’ »estropajo
» et
t’enlever cette «
roña »que
tu as aux coudes et aux genoux !
( estropajo, espèce
de lavette en alfa battu au maillet.
Roña, saleté, crasse.)
- Dis!
Je ne comprends pas le jeune Michel, avec ses « quinze
ans qu’il a »
et il partage ses jeux avec les filles. Celui-là c’est «
un faldeta !» (
Avec quinze ans d’âge…..C’est un efféminé !mot « falda », jupe) Con
los quince años que tiene ! Es
un faldeta !
- Hier,
il y avait « un
de ces guirigayes »
chez la voisine ( une agitation confuse) ! Figure-toi que le Jeannot a
été reçu au brevet des collèges.Tenían
un guirigay.
- Quelle «
zaragatera » cette
Juliette ! « Vinga »
parler et «
Vinga »
rire avec ses copines, sous ma fenêtre, pendant la sieste. ( Très
bruyante, à l’origine de tumulte. Cet adjectif vient du nom « una zaragata
», une
dispute, un chahut) . Vas-y
que je te parle, vas-y que je te ris).Qué
zaragatera esa Juliette !Venga hablar y venga reír !
- Mon
fils a été très désagréable et effronté ce matin. Quand mon mari est
arrivé, il lui a donné un bon «
espolsón », bien
mérité. (Du
verbe valencien«
espolsar »,secouer
quelqu’un.) Le
dio un buen espolsón, bien merecido !
Ma nièce est très belle, mais elle n’a « aucune sortie ». Si tu savais à quel point elle est « courte. »( Elle ne prend aucune initiative, elle manque de répartie…..Elle est timide.) No tiene ninguna salida ! Es muy corta ! On disait en plaisantant : « Es más corta que las mangas de un chaleco ! » Or les gilets espagnols n’ont pas de manches ! Jeu de mots fondé sur les deux sens du mot « corta » (courte- timide)
- L’autre
jour, un agent de police nous a surpris en train de voler des grenades
dans le jardin voisin. Il a attrapé le plus petit de la bande et nous,
les grands, « uña ! ».( Nous nous sommes enfuis !). Uña vient de
l’expression « huir a uña de caballo », s’enfuir à toute vitesse. « Uña »
désigne l’ongle, la griffe, mais aussi le sabot du cheval).
-Tu te souviens du Paulo et de la Marie- Louise qui étaient si amoureux. Eh bien ! Il est parti faire son service et au bout de deux mois, il « a laissé de lui écrire ».( Il a cessé de…). Ha dejado de escribirle . Ici on sait que « dejar » se traduit par« laisser » mais on oublie que « dejar de » signifie « cesser de ». Confusion !
-Ce gamin,
c’est son grand-père « cagué » ( craché). Es
su abuelo cagao ! participe passé du verbe « cagar », se soulager.
« Quitte-toi
»la veste » et « mets-toi » le manteau!( Retire ta veste et mets ton
manteau). Quítate la chaqueta y ponte el abrigo !
-Mon fils me fait des « pamplinas »( des
cajoleries) pour me « sortir » (soutirer ) de l’argent. Para
sacarme dinero.
-Le petit de la voisine, il est toute la sainte journée dans les jupes de sa mère en train de pleurer. C’est un petit « gatchón » ( c’est un enfant gâté). Es un gachón.
- Mes
petits enfants se sont tellement amusés toute la sainte journée que dès
qu’on les a mis au lit, ils « sont
restés rôtis ». (
Epuisés de sommeil). Se
han quedado rostíos. ( Participe
passé formé à partir du verbe valencien, rostir, rôtir. C’était aussi un
mot archaïque castillan)
- Celui-là,
c’est « le
solaje » de
chez lui ( mot
exclusivement andalou désignant
la lie
d’un liquide).
Tu as vu comment « il
est sorti, tout encanijao »? (Tu
as vu sa constitution ? Tout
souffreteux !)
Es el solaje…….has visto como ha salido, todo encanijado ?
- Je ne veux plus jouer aux billes avec eux, ce sont des « tramposos ». (Des tricheurs). De l’expression « hacer trampas »( procéder à des tricheries)- Je ne suis pas resté longtemps dans cette surprise partie. Il n’y avait que des « mocosos ». ( Des morveux). Muchos mocosos- Ton cousin Emilico, c’est « un manta » ! Chaque fois qu’il y a une bagarre, il reste à l’écart. ( C’est un peureux !). Le mot « manta » signifiant une couverture. Idée ici de se cacher sous les couvertures.
- « Yastá! » Il recommence à nous
embêter ! ( Ça y est !). Ya está !
- Quel « frangollero » tu es fait ! ( Un bâcleur). Tu ne peux pas t’appliquer un peu ! Qué frangollero eres, leche !- Ton copain est un « falso » de première catégorie, je m’en méfie ! (Un faux jeton, un hypocrite). Este es más falso que Judas.
-Quelle « mala pata » il a mon fils ! (
Quelle poisse !) Il a bien travaillé toute l’année et il a échoué à
l’oral de son examen. Qué mala pata tiene
mi hijo !
II) DANS LE PATIO -DANS LA RUE
-Ma voisine me l’avait bien dit, mais moi « je
n’étais pas tombé » ! (Je
n’avais pas compris ou pas fait le rapprochement ). Yo
no había caído.
-« Ma fille ! » J’avais
fait un riz au lait, que mon mari aime tellement, et le « goloso
de mon fils, il se l’est pas mangé »
en entier, en revenant de l’école!( Dis donc ! …. Et mon gourmand de
fils, l’a entièrement mangé). Hija
mía !…. El goloso de mi hijo, pues no se lo ha comido enteramente !
- Quand
mon mari rentrera ce soir,
« pos on a le souper ! » ( Eh
bien ! Le souper va être très agité). Pues
ya tenemos la cena !
- Mon
père, « il
était que le diable l’emportait.
» (
Il était très en colère !).Estaba
que se lo llevaba el demonio.
- «
Mets-moi » un
petit café « que
c’est l’heure » de
retourner au travail!( Sers-moi …. car il va être l’heure …..). Ponme
un cafecico
que ya es hora de ….)
- « Donne-lui
de la corde »
au réveil et « mets-le
qu’il sonne »
à 6 heures du matin.( Remonte le réveil et règle la sonnerie pour 6
heures du matin). Dale
cuerda ……
yponlo
que toque a
las seis…
- La
« tía
Juana », c’est
une bonne « alcahueta
». Elle
est en train d’arranger le mariage de sa nièce Hermine avec le fils du
boulanger, que c’est un vieux garçon. ( La mère Jeanne est
une bonne entremetteuse. C’est le féminin de alcahuete).
« La
tía Juana es una buena alcahueta » La
plus célèbre des«
alcahuetas » espagnoles est
la fameuse protagoniste d’un roman célèbre du Moyen-Age, La
Celestina .
Tout
Oranien a en mémoire ce dicton populaire :
- «
En Gambetta, la que no es puta es alcahueta »
(
Celle qui n’est pas ‘pute’ est entremetteuse.)
- Dicton
qui ne s’appuie sur aucune réalité. Nous avions à Bel-Abbès un faubourg Gambetta et
nous le disions aussi. Seulement le nom de ce personnage de l’histoire
de France et ses consonances, se prêtaient à merveille pour
rimer avec «
puta »et «
alcahueta ».
- La
fille de l’épicier a eu un garçon. « Ils
lui ont mis » José
comme son grand-père. ( Ils l’ont prénommé…). Le
han puesto José….
- Celle-
là, elle s’appelle López, comme moi, mais « elle
ne me touche rien. » (Elle
n’a aucun lien de parenté avec moi). No
me toca nada !
- Tu
ne sais pas la dernière ? Hier soir, à José Marie, « il
lui est tombé le gros lot à la rifa. » Il
a gagné un service de table complet. Si
tu avais vu safemme,
que je ne peux pas la voir «
ni peinte dans un cadre »,
comment elle se pavanait
devant tout le monde.( Il
a gagné le gros lot à la tombola des baraques foraines. Je ne peux pas
la voir en peinture ! ) Le
ha caído el premio gordo a la rifa..No
la puedo ver ni pintada en un cuadro.
- Ma
fille a fait un bon mariage. Mon gendre c’est « un
morceau de pain. » (
C’est une bonne pâte). Es
un pedazo de pan.
- Tout
ce que vous me dites là, il y a longtemps que je le sais. Mais « vous
ne savez pas de la messe la moitié.
»( Vous êtes loin de tout savoir). No
sabe usted de la misa la mitad.
- Ce
maçon, il a monté ce mur « a
la babalá ! » (
Expression très valencienne signifiant, à tort et à travers. Certains
disaient à
la bobalá.)
- J’ai
appris que la Marinette, elle est en train de m’arracher la peau par
derrière. « Laisse
qu’elle » vienne
me demander quelquechose !(……Attends un peu qu’elle vienne). …… Deja
que venga….
- Cette
année on va « faire
la Mona » avec
les parents de mon fiancé. (Célébrer le lundi de Pâques. Le mot Mona désigne
le gâteau de Pâques ramené par l’émigration espagnole de la région de
Valence et d’Alicante. Les non-hispanophones l’ont francisé ensuite en «
mouna »). Vamos
a hacer la Mona !
- Tu
as vu « la
sortie » de
la Henriette. Elle prétend que son mari, il va passer chef de chantier.
« Et
à moi quoi !
» ( Tu as vu la réflexion d’Henriette…. Qu’est-ce que ça peut bien me
faire ?) Has
visto la salida…..Y a mi qué !
- Elle
ne fait que parler de son gendre qui « gagne
l’argent à poignées
» et
que sa fille ne pouvait pas mieux tomber. « Et
à moi qu’est-ce
que ça me donne ? » (….Son
gendre qui
gagne beaucoup d’argent…cela me
laisse indifférente !) Su
yerno que gana dinero a puñados….Y a mí que se me da?
- A
moi, on ne me «
la met pas comme ça ! » (
On ne me trompe pas
facilement). No
me la meten así !
- Ce
matin mon mari «
s’est vu noir » pour
mettre en marche la voiture. ( Il a éprouvé d’énormes difficultés). Se
ha visto negro !
- Au
menu ce soir : deux
œufs frits(deux
œufs sur le plat) et de la
longanisse (
de la saucisse rouge). Un
par de huevos fritos y longaniza.
- Le mari de la Georgette, il « s’est
pris un sofoco» de
son patron. Il l’a «
mis vert »
paraît-il et il va « lui
baisser le mois. »(
Il a subi un affront de son patron. Il l’a repris durement paraît-il
et il va revoir à la baisse son salaire.) Ha
recibido un sofoco. Lo ha puesto verde y le va a bajar el sueldo.
- Avec
l’état de santé de son mari, elle a passé les «
Pilippines »(
de très mauvais moments, à l’image des troupes espagnoles durant la guerre
des Philippines). Ha
pasado las Filipinas !
- La
femme du forgeron, « elle
a trop de vent » depuis
qu’elle a une voiture. Mais si c’est « une
tartana ! » (Elle
fanfaronne. Mais ce n’est qu’un tacot !).Tiene
mucho viento. Pero
si es una tartana ! (
vieille voiture hippomobile, démodée)
- Ma
fille !
Hier on s’est donné une « panzá
de tchumbos »
et aujourd’hui « pos »
on est tous constipés ! ( Une ventrée de figues de barbarie et
aujourd’hui eh Bien ! Nous sommes tous constipés !) Una
panzada de chumbos y hoy pues estamos todos estreñidos.)
- «
Andá ! » (
laissez tomber la voix sur le dernier « a »). La voisine a les gendarmes
chez elle. Son fils a volé des abricots dans un jardin. (Oh ! La ! La
!).Andar,
verbe marcher
-A celle-là, je vais lui dire ses quatre vérités ! « Anda » que je vais me gêner ! ( Tu peux être sûre que je vais le faire). Andar, voir ci-dessus.
- Son mari, c’est un « bamba ».
C’est elle qui commande à la maison.
( C’est un sot!). Es
un bamba.
!
-Il a beaucoup de « tchatche ».
( C’est un bavard). Vient
du verbe chacharear, synonyme
de charlar.
- Dès qu’il a entendu le premier coup de feu, il s’est mis à courir
comme un fou. C’est un «
cagón »
! (Mot formé à partir du verbe cagar,
chier. Un grand froussard.). On disait aussi « un
cagueta »
Sa
fille a voulu épouser un « patico ».
Peut-être qu’elle sera heureuse!( Elle a voulu épouser un Métropolitain.
Ce mot vient de « pato », canard. On a dit que c’était à cause de leur
démarche chaloupée. Définir une ethnie à sa démarche est
très original ! Moi je pencherais davantage pour
l’analogie avec l’accent que nous trouvions nasillard ! ? !.) D’ailleurs
lorsque nous voulions les imiter c’était toujours l’accent qui entrait
dans la danse et jamais leur démarche. Alors ! ? !
- Taisez-vous
un peu « létché
! ».
« Tché
quel pito »
ils ont ces gosses-là!( Merde ! Dis donc quelle voix perçante ! Un pito
est une flûte au son très aigu.)Leche
! Che qué pito tienen estos mañacos!)
- Hier
c’était «
la rebolica » dans
la rue. A cause d’un petit béguin, les deux jeunes filles se sont prises
par les cheveux, les deux familles sont sorties dans la rue et elles « se
sont dit de tout ». (C’était
l’émeute ! Elles se sont copieusement injuriées). Le
mot rebolica est
une création Oranienne composée à partir du mot valencienembolic
(une
grosse embrouille) et du mot castillan revolución (
révolution).Se
armó una rebolica y se dijeron de todo.
- Toute
la rue est dans le noir ! Ce sont deux petits voyous qui ont cassé les
ampoules à « estacazos
». (
A coup de lance-pierres) Ce
mot est formé du nom«
stac »
que certains appelés « estac »
avec le suffixe espagnol « azo »
qui signifie « un
coup de…
». Il vient probablement de « una
estaca »
signifiant un bâton, un pieu. En effet « stac»
n’était employé qu’en Oranie exclusivement et pas dans l’Algérois.
- Déjà deux heures que je l’attends ! Quelle « patchorra » elle a celle-là!( Quelle nonchalance !) Qué pachorra tiene esa !
- « Hala
! Hala !
» Qu’on nous attend pour déjeuner!( Allez ! Allez!). Ce mot espagnol
vient de l’arabe «
yalá !
Par lequel on encourage quelqu’un ou on le presse d’avancer ou d’agir)
- Celui-là,
c’est un «
jaï »
d’un village. Tu ne vois pas comment il est habillé ? ( Vulgaire,
grossier). Origine peut-être valencienne avec « jai »
signifiant vieux, ancien, donc démodé.
On disait aussi « jayouel »
et « jayullo ».
- La
Jacqueline, elle
ne dit plus bonjour à personne dans le faubourg. On dirait que je la
vois, quand elle était petite, avec «
la caterva » de
frères et sœurs dans la rue, tous « lagañosos ».( caterva,
mot à la fois castillan et valencien, que l’on retrouve même en italien et
que certains prononçaient, par erreur, catelva, caterba et même caterfa.).
Pour qui elle se prend celle-là? ( La ribambelle de frères et sœurs, tous
avec les yeux chassieux.) . Con
la caterva de hermanicos, lagañosos todos !
- Chaque
fois que je reviens d’Espagne, je ramène deux ou trois melons « malacara
». ( Melon
assez gros, genre ballon de rugby, couleur vert bouteille, à la peau
plissée dans
le sens de la longueur, d’aspect peu attirant d’où son nom « mauvais
aspect ». Mais à la chair excellente !)
- Tu
as vu cette sainte- nitouche, les manières qu’elle fait pour parler. On
dirait qu’elle a la bouche pleine de « gatchas ».
( Bouillie plus ou moins pâteuse).Las
gachas.
- «
Pos vaya ! » On
ne peut plus parler espagnol ici ?
( Zut
alors !). Pues
vaya !
- Tu
as vu, ils ont divorcé ! Aoua
? »
( Accentuer sur le premier « A». Pas possible ?) ». Agua ?
( Dérivé
de l’arabe Aioua !)
- En
ce moment les poissonniers ne
vendent que de « l’alatche »
du Maroc. ( Grosse sardine peu appréciée. ). La
alacha.
Curieusement, il y a ici un déplacement de sens, puisque « alacha »
en espagnol signifie anchois,
plus petit que la sardine. Pour nous en Oranie l’anchois, c’était « la
anchova » ( anchoa).
- Aujourd’hui
avec cette chaleur, je me tiens une «
galbana » ! (
Une de
ces flemmes !) Tengo
una galbana !
- Tu
ne trouves pas que mon petit-fils « lui
donne un air » à
mon mari
? ( Il ressemble). Le
da un aire a mi marido.
- Cette
Antoinette, elle dit du mal de moi derrière mon dos. Elle a
une « langue
d’hache ». (
Une langue de vipère). Tiene
una lengua de hacha !
- C’est
un grossier personnage ! Chaque fois qu’il ouvre la bouche, «
il renverse une charrette ». (
Il tient des propos très désobligeants
et vexants qui dérangent).Cada
vez que abre la boca, vuelca un carro.
- Cette
poule est bien triste. Je crois qu’elle a « la
pépite ».
(Elle a la pépie, une adhérence blanchâtre sur la langue qui l’empêche
de manger). Esa
gallina tiene la pepita !
- Cette
semaine, on ne peut pas aller à la plage parce que mon mari «
il est de
bureau » dimanche
dans son entreprise. (
Il doit assurer
un service de bureau). Está
de oficina.
- Aujourd’hui,
on a travaillé comme des «
noirs »
! On «
s’est jeté »
douze heures de maçonnerie ! ( Nous avons travaillé comme des esclaves !
On s’est tapé douze heures ….). Hemos
trabajado como negros ! Nos hemos tirado doce horas …..)
- « Hier
soir, Luis, le mari d’Antoinette «
il se tenait une boufa »
» ! Il «
a donné un trompezón »
avec la perche de l’étendoir et « il
s’est pris un zamarrazo »,qu’il
s’est moitié tué.
- (
Il était saoul….Il a trébuché …..Il s’est ramassé une superbe pelle !
). Llevaba
una bufa ! Se
dió un tropezón y se metió un zamarrazo que se medio mató.
- Le
mot «
zamarra » désigne
une peau de mouton, qui sert parfois de
descente de lit. Avec le suffixe «
azo »
ajouté (= un coup de ), …ce mot a pris le sens de s’étaler de tout son
long, une chute spectaculaire.
- Tu
as vu le mari de Ernestine ? Avec cette barbe négligée, mal
habillé,
quelle « facha il se tient » ? (
Quelle allure, quel
aspect il a !). Que
facha tiene !
- Avec
la Marinette, on ne peut pas parler ! Il faut voir «
le gallo qu’elle a »
cette femme! .( Elle est trop orgueilleuse !). Tiene
mucho gallo.
- Tu
as vu le «
mala sombra » du
Juan ! Il s’est mis à donner des coups de marteau à l’heure de la sieste
! ( Personne antipathique). Tener
mala sombra,être
antipathique.
- A
celui-là, personne ne lui parle dans la rue. Il
fait toujours
- «
rancho aparte ». (
Il fait toujours bande à part.) Hace
siempre rancho aparte.
- Je
ne veux pas
parler affaire avec Alfred ! C’est un grand «
lioso » ( Celui
qui embrouille les situations pour mieux en tirer partie). Cet
adjectif vient
du mot «
un lío », un
imbroglio ou mensonge.
- Cet
homme-là, c’est un «
gorrón »
! Il a des amis partout et il en profite au maximum ! (Un parasite, un
profiteur, mot relatif
à l’expression « de
gorra »,
sans bourse délier. A Bel- Abbès, on
connaissait, comme le loup blanc, une personne surnommée « TGG
», Très Grand Gorrón.)
- C’est
difficile d’entamer une conversation avec Emilienne. Elle veut toujours
« sortir
avec la sienne ».
(Elle veut toujours avoir raison). Siempre
quiere salirse con la suya.
- Dès
que mon mari a la
moindre histoire au bureau, quand il rentre à la maison « il
la paye avec moi ».
( Il s’en prend à moi ! C’est moi qui paie les pots cassés !) ? La
paga conmigo !
- Tu
dis que celui-là, il n’arrête pas de parler ! Pos c’est
de ta faute parce
que «
tu lui donnes trop de corde. » ( Tu
le flattes en évoquant des sujets qui lui sont chers !) Le
das mucha cuerda !
- J’ai
remarqué que depuis quelque temps, elle « est
de hocico». (Elle
fait la gueule, elle boude ! Hocico désigne
le museau des animaux). Está
de hocico !
- Hoy
!Hoy ! hoy ! La
Joséphine, elle sortait du four de chez Pépico Ferrer en cachant ses
monas sous un drap. La pauvre ! Elles étaient toutes«
tchafées »
! ( Du verbe "chafar",
écraser, aplatir. Complètement aplaties !) . Las
monas salieron
chafadas !
- Jacqueline
est bien malheureuse avec «
le gandoul »
de son mari (le
fainéant). Elle ne peut même pas acheter des souliers aux enfants pour
la rentrée des classes et lui « ni
plus campante » (Très
content de lui, satisfait) en train
de jouer aux cartes au bar de chez Rafaelico. Es
un gandúl ! Ni más campante, jugando a las cartas en ca Rafaelico.
- Tu
me dis qu’elle a beaucoup de goût pour son
intérieur. Moi, je trouve qu’elle a trop de «
tchismes »
sur les meubles (Des bibelots). Tiene
muchos chismes.
- Je
lui ai fait signe de se taire et lui,
« Dale ! Que dale ! ( Ce
n’est pas fini ! Encore et encore!)
-L’autre
jour ce garçon m’a invitée à danser et maintenant, dès qu’il me voit dans
la rue, il vient vers moi. Quel « sobón »
celui-là ! ( collant, agaçant)
- L’autre
jour nous sommes allés à une réunion. On était «
quatre chats pelés !» ( Nous
étions quatre pelés et un tondu !). Estábamos
cuatro gatos pelados !
- Maintenant
pour un oui ou pour un non, on est toujours chez le médecin avec les
enfants. Avant « on
leur donnait un lavativa » (On
leur faisait un lavement ) et ils allaient mieux tout de suite.
- « Arsá »!(
Laissez tomber la voix sur le dernier « a ». Exclamation marquant
l’émerveillement, Ho ! là ! Là !)Tu as vu la robe qu’elle s’est achetéé
. Alzá
! Qué vestido se ha comprado !
La Marie Louise qui était partie à Saïda, il ya quelques années, elle
est revenue voir sa mère . Si tu voyais le «
pélajé »
qu’elle a !( Si tu voyais son aspect, son look !) Si
vieras el pelaje que lleva !
Cette
étude du français
des hispanophones Oraniens n’est pas bien
sûr exhaustive. Certaines expressions familières n’ont pas été retenues
parce que je n’en ai pas trouvé les références dans la langue castillane
,dans la langue valencienne et autres expressions régionales espagnoles
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