L'idée de cette page revient à mon ami Jean Lassaque dont les textes ci-dessous sont extraits des ouvrages qu'il a écrit et avec son autorisation. Nous voyons ici le drame tel qu'il a été vécu par les destroyers Français.
Les livres de Jean Lassaque sont publiés et disponibles chez
Marines-Editions ( www.marines-editions.com )
Vécu par le Mogador et le Volta
Au petit matin du mercredi 3 juillet, un destroyer britanique, avant-garde de la puissante Force H provenant de Gibraltar se présente devant Mers el-Kébir. Les navires français sont à six heures d'appareillage, feux bas depuis la veille, à l'exception du Volta qui est contre-torpilleur d'alerte à 90 minutes pour la journée du 3.
La Force H est chargée, sur ordre du gouvernement de Sa Majesté, d'obtenir le ralliement aux forces anglaises des bâtiments français ou, à défaut, leur transfert aux Antilles pour désarmement ou, en dernier recours, leur sabordage. En cas d'échec, les cuirassés doivent être détruits par le tir de l'artillerie des trois navires de ligne que comprend la Force H. Le texte complet de cet ultimatum est remis peu avant 9h au Vice-amiral d'escadre Gensoul mais celui-ci, informé entre-temps de l'apparition de la Force H au large de Mers el-Kébir, a déjà fait envoyer aux drisses du Dunkerque le signal "prendre les dispositions de combat".
Dès 8h55, le Mogador et le Volta font rallier les bords par le personnel détaché à terre. On rentre les tentes et on commence à recharger en air les torpilles. A 9h, les feux sont allumés et le Contre-amiral Lacroix est convoqué à bord du Dunkerque pour y recevoir ses ordres. La Flotte de l'Atlantique ne prendra pas l'initiative d'une sortie de Mers el-Kébir avant l'ouverture du feu par les Britanniques. Le cas échéant, la 6e D.C.T. appareillera la première, en même temps que la 1re D.L., dont elle assurera la protection au large.
A 12h30, les contre-torpilleurs sont parés à appareiller et la tension continue à monter progressivement jusqu'à ce que le branle-bas de combat soit ordonné à 14h15, après l'annonce de l'ouverture du feu par les Britanniques pour 15h. A 14h45, les contre-torpilleurs reçoivent l'ordre d'aller mouiller en ligne de file, le Mogador en tête, suivi du Volta, devant Roseville, à la limite des fonds de dix mètres. Cette disposition est destinée à facoliter l'évitage dans la rade du Dunkerque et du Strasbourg, alors amarrés par l'arrière à la grande jetée.
Le Mogador largue son coffre à 15h et fait route vers Sainte-Clotilde, à l'autre extrémité de la rade. Le Volta appareille le deuxième mais, quelques minutes plus tard, la prise des nouveaux postes de mouillage des contre-torpilleurs est suspendue. Pendant les ultimes pourparlers, l'émissaire britannique reçu à bord du Dunkerque ne doit pas avoir l'impression qu'un appareillage général est en cours. Le Volta reprend ainsi son coffre à 15h30. A ce moment, le Mogador est mouillé à 2 100 mètres dans le 156 du phare de Mers el-Kébir.
A 17h20, le Mogador, veillant l'onde de 800 mètres, capte le dernier ultimatum britannique fixant à 17h30 l'ouverture du feu. A 17h30 précises, anticipant l'ordre d'appareillage, le contre-torpilleur vire son ancre et manoeuvre pour se présenter dans la passe. Le Contre-amiral Lacroix intervient immédiatement et fait revenir le Mogador à son mouillage. Pendant cette manoeuvre, les contre-torpilleurs encore à,Saint-André reçoivent l'ordre de gagner leurs postes d'attente. Le premier, le Volta largue à 17h40 et met en route pour aller stopper à 150 mètres sur l'arrière du Mogador.
La première salve de 380 mm britannique tombe à l'extérieur des jetées de Mers el-Kébir peu avant 18h. Le Mogador met immédiatement en avant 200 tours (soit 24 noeuds) vers la passe. Le Volta manoeuvre à l'imitation du Mogador. A partir de ce moment, les évènements se précipitent.
Le Mogador engage au canon un destroyer télémétré à 15 000 mètres sur son avant, devant Canastel. C'est le H.M.S. Wrestler, placé en surveillance de la sortie du port d'Oran. Dès la première salve, le tir est observé encadrant et le feu des tourelle de chasse continue à toute vitesse. Elles vont tirer au total 16 coups de 138 mm en quelques dizaines de secondes alors que le Mogador casse son erre en battant en arrière pour laisser manoeuvrer le remorqueur Jo Lasry II, en train d'ouvrir la porte du barrage de filets. Le contre-torpilleur est alors encadré par une salve de 380 mm et deux terribles explosions ébranlent tout le bâtiment. Il disparaît dans un immense nuage de fumée noire qui va s'élever à plus de 200 mètres d'altitude.
Sans visibilité sur son avant, en raison de la fumée, le Volta diminue sa vitesse et, avec 25° de barre, vient en grand sur la gauche pour éviter le Mogador. Sa route le rapproche de la jetée en construction, au moment où une nouvelle salve de 380 mm tombe dessus. Le contre-torpilleur est littéralement mitraillé par des débris de pierres et il est atteint par plusieurs éclats d'obus. L'un sectionne une antenne, un autre touche la torpille extérieure de la plate-forme n°2, heureusement sans la puissance nécessaire pour en provoquer l'explosion. Parvenu dans l'axe de la passe, le Volta met à 30 noeuds.
Le Mogador, atteint par le tir adverse, est stoppé au milieu de la passe. L’arrière du bâtiment, dévasté et enfoncé de plus de deux mètres, est en feu. Les arbres ne virant plus, les sécurités des turbines se sont déclenchées, faisant brusquement tomber le pression et privant le bord d’énergie électrique. Les équipes de sécurité, aidées par Le Jo Lasry II, combattent l’incendie et font en sorte d’en limiter l’extension vers l’avant tandis que les torpilles sont chassées de leurs tubes par précaution. Le contre-torpilleur, dont l’évacuation est ordonnée, est accosté par plusieurs petits bâtiments de servitude qui recueillent les marins projetés à la mer par l’explosion et prennent à leur bord le personnel non indispensable.
Ayant franchi les filets de protection de Mers el-Kébir, le Volta met à 40 nœuds, route vers Canastel. Il engage aussitôt au canon un destroyer télémétré à 13900 mètres sur bâbord, mais le but est vite perdu dans la fumée. Après avoir doublé devant Canastel la bouée marquant l’extrémité du barrage de filets d’Oran, Le Volta, suivi par Le Terrible, vient route au nord pour tenter de tourner l’escadre britannique et l’attaquer à la torpille.
Il est 18h15 et Le Mogador est rallié par la gabare La Puissante qui le remorque devant les Bains-de-la-Reine afin de dégager la passe. Le contre-torpilleur, grâce à d’importants mouvements de fluides a pu être rapidement remis dans ses lignes d’eau normales. Echoué par l’arrière, il mouille par 7 mètres de fond à 2800 mètres dans le 153 du phare de Mers el-Kébir.
Le Volta engage de nouveau un destroyer à 15600 mètres de portée vers 18h20. Il aura tiré au total 88 coups de 138 mm – la meilleure école à feu de sa carrière, précisera plus tard avec humour son directeur de tir – quand il est rappelé à 18h30 par le Strasbourg, qui vient de réussir à sortir de Mers el-Kébir. Le Volta chasse un poste de protection sur bâbord du bâtiment de ligne, en route au nord-est pour sortir au plus vite de la baie d’Oran. Le groupe Strasbourg est alors pris en chasse par la Force H qui le fait attaquer par des appareils du porte-avions H.M.S. Ark Royal. Plusieurs vagues d’avions-torpilleurs Swordfish se succèdent entre 19h45 et 21h qui sont énergiquement engagés au passage par la D.C.A. des contre-torpilleurs. Les avions ne parviendront pas à mettre un coup au but avant la tombée du jour, qui marque la fin de l’engagement. Le Volta prend alors poste en antenne sur tribord avant du Strasbourg.
A ce moment, malgré la participation de plusieurs bâtiments à la lutte contre l’incendie, celui-ci fait toujours rage sur la Mogador. Compte tenu du danger d’explosion des soutes arrières et de la proximité de Sainte-Clotilde, le bâtiment est remorqué et accosté vers l’extrémité de la jetée, bien à l’écart. Le feu ne sera finalement maîtrisé qu’à 22h30.
Après avoir fait route au 60 pendant la nuit, le groupe Strasbourg parvient aux atterrages de la Sardaigne à l’aube du 4 juillet. Il met alors à 28 nœuds, le Volta en protection sur l’avant du bâtiment de ligne, cap sur Toulon où il parvient sans incident en fin de journée. Les rescapés de Mers el-Kébir y sont accueillis par les acclamations des équipages aux postes de bande.
Le 4 juillet, l’incendie du Mogador est alors éteint depuis plusieurs heures et, les tôles refroidies, la première tâche entreprise est le débarquement des munitions en soute. Le danger d’explosion écarté, on peut alors l’accoster sous le fort de Mers el-Kébir, plus à l’abri. Les pertes du bâtiment sont lourdes, surtout parmi les armements des tourelles n° 3 et 4, de la D.C.A. et les équipes de sécurité arrière. On dénombre 34 morts et disparus – certains ne seront désincarcérés que deux semaines plus tard – ainsi que 10 blessés, dont deux décèderont des suites de leurs blessures à l’hôpital Baudens d’Oran. Le personnel est débarqué et logé à terre, ne regagnant le bord que pour le service.
Pour le combat de Mers el-Kébir, les deux bâtiments sont cités à l’ordre de l’Armée de Mer.
Suite dans le livre de Jean Lassaque …….
Au matin du mercredi 3 juillet, le Tigre et le Lynx sont à six heures d’appareillage lorsqu’une escadre britannique se présente au large afin de tenter d’obtenir le ralliement ou le sabordage des bâtiments français présents à Mers el-Kébir. Sur l’ordre du Vice-amiral d’escadre, les feux sont rallumés vers 9h tandis que le personnel ayant quitté les bords pour des excursions à terre est rappelé. La tension ne fait que croître pendant les pourparlers entre les deux amiraux, tout au long de la journée.
Enfin vers 17h30, ordre est passé aux contre-torpilleurs d’aller mouiller en ligne de file devant Roseville, à la limite des fonds de dix mètres. Cette disposition a pour but de faciliter l’évitage des grands bâtiments dans la rade, en prévision de l’appareillage général, devenu imminent.
Le Lynx largue vers 17h45 et le Tigre vers 18h, au moment précis où les premières salves anglaises tombent sur Mers el-Kébir. En tête de file des contre-torpilleurs, le Mogador, atteint par un obus, ralentit la sortie des bâtiments légers qui doivent traverser la rade à 5 nœuds au milieu des gerbes de 380 mm. Le Tigre et le Lynx sont encadrés deux fois par des salves anglaises. Ce dernier est même légèrement atteint sur bâbord par des éclats d’obus, crevant le bordé et provoquant la vidange à la mer d’une caisse d’eau de lavage.
Les deux contre-torpilleurs de 2400 tonnes franchissent la passe vers 18h10 et engagent aussitôt avec leur artillerie principale, un destroyer anglais télémétré à 18000 mètres par leurs travers bâbord. Il est alors 18h15 environ et le Tigre reconnaît du bord opposé, le bâtiment de ligne Strasbourg, remontant la file des contre-torpilleurs à 30 nœuds. Le tigre chasse aussitôt un poste de protection sur bâbord arrière du Strasbourg et ordonne au Lynx, alors sur son avant, de réduire à 20 nœuds, de se laisser dépasser, et de prendre ensuite la formation en ligne de file derrière son chef de division. Ce dispositif est réalisé devant Canastel vers 18h30, les bâtiments étant alors en route au 35 à 28 nœuds afin de sortir de la baie d’Oran par l’Est.
A 18h40, une vigie du Tigre croit apercevoir un périscope à 1000 mètres sur bâbord avant. Aussitôt, le Tigre gouverne sur l’objet et mouille à l’estime quatre grenades de 200 kg et une balise fumigène, puis vient en grand sur tribord pour chasser son poste de protection du Strasbourg. Le Lynx grenade à l’imitation (1 grenade de 100 kg par mortier et trois grenades de 200 kg) et abat sur bâbord. Après une giration complète, il mouille trois nouvelles grenades de 200 kg sur le Phoscar et reprend une route de chasse de son poste sur l’arrière du Tigre. Le Strasbourg est déjà hors de portée d’une torpille, s’il y a bien là un sous-marin.
Le groupe Strasbourg fait alors route au 60 afin de s’éloigner de l’escadre anglaise, la 4e D.C.T. étant toujours postée sur bâbord arrière du bâtiment de ligne, soit dans l’Ouest de ce dernier. Vers 20h, un groupe de six bombardiers-torpilleurs embarqués anglais survole le Tigre et le Lynx à 1000 mètres d’altitude. Ces appareils ont manœuvré afin de se placer dans le soleil couchant pour attaquer le Strasbourg. Ils sont énergiquement engagés par la défense contre-avions des bâtiments légers, au passage. L’un d’eux, touché, ne ralliera pas son porte-avions.
Vers 21h, la nuit est complète et le Tigre et le Lynx chassent des postes de protection sur tribord du Strasbourg. Peu après, le bâtiment de ligne est obligé de réduire sa vitesse à 20 nœuds pendant deux heures. N’ayant pas reçu le signal optique correspondant, le Lynx perd définitivement le contact avec la formation.
A suivre ...
Vécu par le Kersaint (ensuite)
Vécu par le Terrible (pour terminer)