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La majorité des personnes qui connaissent ou qui ont entendu parler de Mers-el-Kébir, c'est malheureusement souvent à cause des évènements douloureux qui s'y sont déroulés en juillet 1940.
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Le drame vécu par quelques navires (d'après Jean Lassaque et avec son accord) | |||
En début juillet 1940 s'est déroulé à Mers-el-Kébir un
épisode triste de la guerre.
En résumé, la flotte Française qui était abritée dans le port a été
attaquée par les Anglais qui craignaient que celle-ci ne tombe aux mains des
Allemands (ou des Italiens) par l'intermédiaire de Vichy.
Vous trouverez sur la page "Livres" la liste des ouvrages que je possède
(et d'autres) sur le
drame.
De très nombreux sites ont évoqué ce sujet, vous trouverez ci-après une liste non exhaustive de liens.
Si vous en connaissez d'autres intéressants en Français (il y en a beaucoup en Anglais) faites le moi savoir, ils seront ajoutés.
http://www.ledrame-merselkebir.fr/ Les marins de Mers-el-Kébir
http://www.lacornicheoranaise.com/ Rubrique Mers-el-Kébir le drame (très bien illustré)
http://www.secondeguerre.net/merselkebir.htm
http://www.stratisc.org/pub/pub_hcb_mersel.html
http://www.farac.org/php/article.php3?id_article=67
http://histgeo.free.fr/mek.html
http://hsgm.free.fr/batailles/merselkebir.htm
http://www.ina.fr/voir_revoir/guerre/mondiales/40-13.fr.html#10 film sonore de l'INA (à voir absolument)
http://www.ina.fr/voir_revoir/guerre/mondiales/42-103.light.fr.html autre petit film sonore de l'INA
http://lucky9229.e-monsite.com/ par Jean-Luc Peron
http://www.auxmarins.com/ Aux marins
http://fammac.com/home.html Fédération des Associations de Marins et Marins anciens Combattants
http://merselkebir.unblog.fr le blog de Nicolas Le Goffic
Je recherche des témoignages du vécu de ces journées par la population du
village.
J'aimerai rassembler ici des anecdotes originales, surtout de la part des
habitants du village
3 Juillet 1940 par Jean-Baptiste Peruffo
3 Mai 1940. Le jeune Maurice Roméo, sur la place du village de Mers-el-kébir a son regard attiré par quelque chose qui brille sur l’eau. Ce n’est pas un mais plusieurs points lumineux qui luisent au soleil au gré de vagues.
« Non, ce ne peut pas être un banc de sardines ! » pense-t-il.
Il décide d’en avoir le cœur net. Sautant sur la barque de son père, il finit en quelques coups d’aviron, par s’approcher des objets flottants qui, à sa grande surprise, sont en fait des bouteilles en verre, vides.
Sans s'interroger outre mesure, il les ramasse et ce faisant, vu leur nombre, il les compte en se disant que ces bouteilles vides, à un franc la consigne, ramenées chez Pépéta l’épicière, vont lui assurer un joli pactole.
Vingt bouteilles sont déjà entreposées à fond de cale. Vingt francs ! Exactement la somme que gagne son père, non sans mal, certaines semaines de pêche.
Et tandis qu’il rame pour revenir au port, après cette pêche miraculeuse, lui vient alors à l'esprit cette question : Mais d’où proviennent ces bouteilles ?
Soudain, devant ses yeux, la réponse lui apparaît là, évidente ! Des marins, sur des chalands aménagés en pontons, à côté du port de pêche, attendent les navettes qui vont les ramener sur leurs navires amarrés à la grande jetée.
Quelques-uns ont une bouteille de vin à la main. L’alcool étant interdit à bord des bâtiments de guerre, Maurice Roméo en conclut que ces marins finissent de siroter leur vin au cours de la traversée et jettent ensuite la bouteille vide à la mer.
Très vite, le jeune homme réalise alors le bénéfice qu’il peut tirer de cette fabuleuse découverte. Il imagine alors suivre à bonne distance la flottille des marins ramenant les permissionnaires à leurs cuirassés, et ainsi procéder à la cueillette de toutes ces pépites d’or flottant sur l’eau.
Toutefois, il réalise que pour que cette entreprise soit une réussite, cela nécessite une organisation efficace doublée de moyens appropriés car les bouteilles coulent vite. Il faut souquer ferme sur les avirons pour ne pas trop se laisser distancer par les navettes à moteur et ensuite repêcher les bouteilles une à une.
André Costagliola et Aimé Puglièse mes deux copains qui, comme moi, sont fils de pêcheur, ont ces qualités pour compléter mon équipage. Nul doute qu’eux aussi seront intéressés pour partir à la recherche du trésor, se dit-il.
Marché conclu. L’aventure peut alors commencer. Nos trois compères rament. Ils empilent précautionneusement les bouteilles ramassées. Ils les ramènent chez Pépéta, l'épicière. Ils touchent leur pactole. Voilà une affaire rondement menée qui se répète à presque tous les retours de permission de fin de semaine.
Et tout cela jusqu'au jour où, Maurice Roméo, au contact de ces marins qui attendent leur tour d’embarquer a alors, selon ses propres termes, une révélation divine dont il fait part à ses camarades.
Histoire d'éviter à ces jeunes marins des déplacements inutiles, pourquoi ne pas leur proposer un dernier coup de rouge « pour la route » ?
Proposition retenue. Dans des caisses en bois compartimentées, ils rangent des bouteilles de vin qu’ils proposent à deux francs le litre. Leur opération de marketing rencontre un succès fou.
Certains dimanches soir, faute de réserves suffisantes, ils ne réussissent même pas à assurer la demande. Maurice Roméo tient les comptes. Il vend deux francs le litre de rouge acheté un franc. Ajouté à cela un franc de retour de consigne que leur assure Pépéta l'épicière, bénéfice net pour nos trois compères, deux francs par bouteille vendue. De quoi se voir déjà à la tête d'une petite fortune.
Le 3 Juillet 1940, la demie de quinze heures sonnant au clocher de l’église, Maurice Roméo qui habite à deux pas de la place surplombant le petit port de pêche, de sa fenêtre, assiste à un mouvement inaccoutumé de marins. En rangs serrés, tous descendent à la hâte vers les pontons d’embarquement.
Il n'en croit pas ses yeux. Ce n'est pourtant pas l'heure habituelle pour rejoindre leurs navires se dit-il !
N'ayant en tête que son petit commerce, il prend ses jambes à son cou pour alerter ses camarades. « Vite, vite, grouillez-vous, je ne sais pas ce qui se passe, tous les marins s’en vont ! » leur crie-t-il.
Nos trois compères, dans leur canot, ignorant que les marins avaient reçu l'ordre de leurs officiers de rejoindre leurs navires, décident de suivre la flottille espérant avoir un semblant d'explication à cet emballement.
Peine perdue. Aucune bouteille à la mer.
A dix-sept heures, ils sont au milieu de la rade, à quelques encablures des navires de guerre alignés perpendiculairement à la grande jetée.
A l’effervescence des navettes faisant des rotations, succède un étrange silence. Comme si le temps s’était figé. Beaucoup de marins embarqués, et pourtant très peu de bouteilles à la mer. Voilà quelque chose qu'ils ne s'expliquent pas et qui les intrigue.
Que faire alors, sinon s'en retourner au village pour tenter de glaner quelques informations sur cet inhabituel mouvement de marins.
Et c'est au moment où ils approchaient de leur panne d'amarrage, dans le petit port de pêche, que se déclencha ce que le jeune Maurice Roméo qualifia d'apocalypse.
Nous étions les 3 Juillet 1940. La flotte anglaise, commandée par l'amiral Sommerville venait d'ouvrir le feu sur les navires français amarrés à la grande jetée.
Maurice Roméo, Aimé Puglièse et André Costagliola tétanisés, ont du mal à réaliser que le cuirassé La Bretagne est la proie des flammes.
D'autres navires aussi sont touchés. Et à la fin de la canonnade, des scènes de désolation. Des marins morts, des cris et surtout cette mer recouverte d'une épaisse nappe de mazout que Maurice Roméo nomme le « Crude » qui, en se refroidissant au contact de l'eau, telle de la glu, emprisonne les corps des marins qui tentent de nager.
Nos trois compères qui s'étaient portés à leur secours, avec d'autres secouristes, se démènent comme de beaux diables pour tenter de les arracher à une mort certaine.
Ils amènent ces corps meurtris jusqu'au port de pêche où ils sont pris en charge par les villageois.
Et bien vite, la salle de Cinéma débarrassée de ses sièges et qui sert de dépositoire se révèle pas assez grande pour accueillir toutes ces victimes.
Certaines sont alors transportées devant le domicile de madame Voisin, la sage-femme du village qui donne pour consigne à tous les secouristes bénévoles de faire boire abondamment les marins afin de tenter, par un réflexe de trop plein de leur estomac, de leur faire vomir le Mazout qu'ils auraient absorbé.
En cette triste journée du 3 Juillet 1940, le bilan officiel de ce drame fait état de 1200 victimes qui pour grand nombre d’entre-elles sont enterrées au cimetière de Mers-eL-Kebir, aux côtés de la tombe de l'amiral Darlan.
Maurice Roméo, en période de Toussaint ne manquait jamais la cérémonie funèbre qui s'y déroulait. L'occasion pour lui aussi de rendre hommage à tous ces marins « Morts pour la France » ce 3 Juillet 1940.
Ce drame gravé à tout jamais dans sa mémoire se doublait toutefois d'une profonde amertume qu'il n'avouait qu'à demi-mots, celle de la fin de son lucratif commerce.
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Je vous livre une anecdote racontée par ma tante Juliette ONETTO épouse VICIDOMINI :
Alors qu'une partie de la population était retranchée dans des grottes exiguës et que le
canon grondait à l'extérieur, les Kébiriennes pieuses invoquaient tous les
Saints de leur venir en aide.
"Saint Michel soyez avec nous ! Saint Antoine soyez avec nous !" etc. ...
A ce moment, un des musulmans abrités dans ce réduit et qui ne comprenait pas
qu'il s'agissait de prières s'exclame "Eh, madame, vous trouvez pas que nous
sommes déjà assez nombreux ici?"
Mon père me racontait souvent qu'il avait participé (il avait 20 ans) au ramassage des corps sur la mer. Ensuite c'est le cinéma du village qui a servi de chapelle ardente.
D'autres témoignages (sous la responsabilité de leurs auteurs et en sachant qu'il y a des erreurs) :
"Au sujet de Lord Mountbatten, au moment de l'assassinat, il était à Alexandrie et avait qualifié cet acte de crime. Mon père se trouvait sur le cuirassé Lorraine, à ce moment-là, et c'est le lord amiral qui leur a demandé de rompre des postes de combats, "parce qu'il y avait trop de morts inutiles: les navires français voulaient engager le combat au mouillage, mais les navires français de la force X étaient déjà accrochés par les canonniers anglais. Ils ont du démonter et remettre tous les percuteurs."
"D'après mes renseignements il n'y aurait pas eu de
pertes civiles car la population avait été évacuée. Seules des infrastructures
comme le phare qui gênait le réglage de tir de navires rosbif à été détruit et
des obus "perdus" ont touché des maisons.
Et pour la petite histoire, l'amiral Darlan est enterré à Kébir, selon ses
dernières volontés, "d'être avec ses hommes, victimes innocentes"..."
"Dans les archives militaires de l'ECPA, on voit les
pêcheurs de chez nous aller au secours des marins et repêcher les corps."
"D´après lui, la population s´est réfugiée dans ce fameux
tunnel que nous avons nous même emprunté pour aller vers les
plages. Sauf les dernières années où il a été fermé. D´aprés lui encore, c´est
en Juillet 1953 que l´Amiral Mountbatten se serait recueillit au cimetière de
Kébir."
"Juste pour dire que en juillet 40 mes grands-parents
Piro Léopold ont eu leur maison bombardée et ils n'ont retrouvé dans les
décombres de leur maison qu'une cuillère en argent de la ménagère que mon frère
aîné Nanou a gardé, car lui y était à Kébir il avait 5 ans
Et mon grand-père Piro qui était pompier a aidé aussi pour sauver les malheureux
marins"
" "obus égarés" est la terminologie sarcastique employée
dans les rapports de la Home Fleet que j'ai eu la chance de pouvoir consulter il
y a qq. années.
La phrase est encore dans ma mémoire : "il est à noter que des obus égarés aient
pu dévier de leurs objectifs et toucher des constructions civiles, au cours des
salves de réglage". (Maison de Marcel Garguillo par exemple).
C'est ce qu'aujourd'hui on appelle pudiquement des dommages collatéraux, et pour
le tunnel, c'est tout à fait exact.
Je vais même te préciser que des militaires britanniques ont été punis pour
avoir cherché des renseignements sur la véracité du bombardement car l'intox en
Grande Bretagne et surtout dans les rangs des armées, impliquait cette boucherie
aux allemands et c'est après leur arrivée qu'ils ont appris la vérité."
"Je viens d'avoir un collègue archiviste auquel j'ai
envoyé un mail hier soir, en Angleterre. Il n'y a pas eu que des obus. Le 6
juillet, les avions de l'Ark Royal sont revenus pour torpiller le Dunkerque (150
morts de source britannique) qui est allé s'échouer sur la plage. Mais
l'aéronavale des rosbifs a fait plusieurs passages (donc attaques sur Mers
El-Kébir)."
"Il existe beaucoup d’ouvrages sur le bombardement de Mers-el-Kébir en 1940, ou vous pouvez trouver beaucoup de renseignements sur ce drame. Je vous en cite 1 :
· Le drame de Mers-el-Kébir 1940 de Jean-Jacques Antier, édition Presses de la Cité 1990.
Un mémorial a été édifié au cimetière militaire de Kerfautras à BREST. Une rue de Brest a été baptisée « Cuirassier Bretagne » en l’honneur des marins de ce bateau. De même il existe une association « Association amicale des anciens marins de Mers El-Kébir et des familles des victimes », fondée en 1984 à BREST 1 Rue Proudhon (adresse en 1990). Pour la petite histoire, mon oncle MAS Manuel, à l’époque marin appelé en service au phare de Mers El-Kébir a assisté de près à ce drame. Faisant de la plongée, il a participé à la récupération des cadavres des malheureux marins."
Texte relevé dans le livre de Robert Tinthoin « Mers El-Kébir – Le Grand Port » et concernant des remerciements à des personnalités locales :
« On remarque en outre, l'attitude courageuse du lieutenant-dentiste Bernasconi, du lieutenant Hadida, du Docteur Molinié, médecin communal, de Mme Cuisin du dispensaire municipal, du Receveur des P.T.T. Cheminaud et de ses collaboratrices, Mmes Bourette, Bazia et Beauchamp, des journalistes Bourrière et Subervilie, des pêcheurs Amitrano Antoine et Jean Schiano di Schiabica, du personnel des Ponts et Chaussées, du Secrétaire de Mairie Peretti, des conseillers municipaux Pilippi, Janvier Ferrara, Yvanès Isidore, Mira Vincent, des scouts d'Oran ».
"Tu mentionnes le mémorial, alors je vais te signaler que, je crois que c'est à Guénolé, dans l'église, il se trouve une plaque commémorative intitulée Mers El-Kébir - Dakar. Elle est en forme de voûte; en son centre une femme vêtue de noire, et autour les noms des défunts. C'est une amie qui était dans notre chorale qui m'avait montré une photo qu'elle avait faite pendant ses vacances. J'ai eu d'autres nouvelles de mon collègue anglais, qui n'est autre que le petit neveu de l'amiral Sommerville. Comme beaucoup d'officiers de la royal navy, il n'était pas d'accord avec ce qui s'est passé, et le 10 juillet, il a donné sa démission avec cette mention officielle "à titre de protestation et d'indignation" contre les ordres donnés. Il en a souffert jusqu'à sa mort. "
"Je viens de recevoir un mail du service historique de la Marine Nationale concernant le décompte des pertes humaines. Mon contact me confirme qu'il n'y a aucun civil dénombré. J'ai le détail par unité navale. Seuls les registres de sépultures de la paroisse ou de la mairie pourraient être vraiment fiables."
"Entre-temps, j'ai retrouvé, toujours dans le livre de JJ. Antier, un passage sur les civils :
"Dans les journées des 3 et 6 juillet, la panique a été générale autour de la rade, bien qu'il n'y ait eu qu'un seul blessé civil, une femme atteinte par un éclat de DCA. Des habitants ont fui dans la montagne. Des familles entières se sont réfugiées dans les villages lointains d'où elles ne reviendront qu'après plusieurs jours et parfois plusieurs semaines."
A noter aussi que les anglais ont exécuté la deuxième attaque du 6 juillet, destinée à achever le "Dunkerque", au moyen d'avions torpilleurs plutôt que par un deuxième canonnage, dans le souci d'épargner la population civile. Le cuirassé était en effet échoué à moins de 200 mètres du village de Saint-André"
Vous trouverez ci-dessous un texte de Georges Planté-Longchamp sur son vécu sur le drame et ses commentaires :
Georges Plante-Lonchamp a écrit un bel ouvrage sur sa famille et leur vécu en Algérie intitulé "Un nom, une famille, un pays" de 1815 à 1965
"Mers el Kébir
I Introduction
Ce nom qui restera dans l’histoire en raison des évènements que je veux raconter n’apparaît plus dans la mémoire de nos contemporains Chaque fois que j’ai prononcé devant certains de mes jeunes amis le nom de Mers el Kébir j’ai pu constater l’ignorance totale de ce port de guerre l’un des plus important du monde.
Si je me suis intéressé à une certaine partie de son histoire c’est bien sûr parce que j’y ai séjourné mais surtout parce que j’ai vécu personnellement et aux premières loges les évènements de 1940 et ceux de 1942. Car si l’on cite Pearl Harbourg tout le monde imagine le drame d’une flotte massacrée au mouillage mais pour celui de la flotte française de 1940 tout est passé aux oubliettes.
Il me faut avant tout replacer cette époque ( j’avais douze ans en 1939) dans un contexte de société qui est commun à toute ma génération et tellement différent de la situation d’aujourd’hui que nos cadets ont de la difficulté à l’imaginer.
Ceux de mon age sont nés peu après la guerre de 14/18 et ont été élevés par des pères qui avaient une participation très active à cette armée française qui avait remporté de haute lutte et au prix de deuils familiaux considérables une grande victoire.
Cette armée auréolée de gloire continuait à être une valeur sociale exceptionnelle et nous avons été instruits de ses principes : Honneur Patrie.
Les revues de troupes et les manifestations spectaculaires étaient suivies avec ferveur et les sonneries militaires réveillaient souvent ceux d’entre nous dont le père les avait encore en tête dix ans plus tard.
Dans cet état d’esprit nous sommes arrivés ainsi à 1a guerre de 1939 et la défaite a été ressentie comme une blessure personnelle par chacun de nous. J’ai encore le souvenir du discours du maréchal Pétain nommé président du conseil à une écrasante majorité de la chambre avec les pleins pouvoirs pour réformer l’état.
Sa voix critiquée par la suite était d’une gravité terrible et nous l’avons écouté en famille, pendus au poste radio, avec une émotion qui a tiré les larmes de la plupart d’entre nous.
Il avait demandé et obtenu l’armistice avec l’arrêt de l’occupation de la France. Ses arguments étaient bien estimés par le vainqueur, l’empire colonial et surtout notre marine. C’est là un point important de l’histoire que je veux rappeler.
La Flotte Française de 1939
Sous l’autorité de François Pietri ministre de la marine clairvoyant avant l’arrivée du front populaire et avec la collaboration technique d’un marin à la réputation justifiée l’amiral Darlan nous avions cette arme sans équivalent dans les autres armées, la Flotte française. Nos cuirassés les plus modernes avaient une supériorité connue et dans la classe des nombreux contre torpilleurs les nôtres étaient les plus rapides et les mieux armés.
Cette flotte était venue en rade de Mers el Kébir ou elle avait été partiellement désarmée en vertu des conventions d’armistice.
C’était Portus Divinus des romains avant le VI° siècle et la conquête vandale de Genséric. Il y eut alors l’envahissement arabe du VII° siècle et est devenu le grand port arabe de l’almohade Abd el Mounen au XIIeme siècle qui en avait fait son arsenal.
Les sultans de Tlemcen y firent construire une petite ville qui devint le port commercial d’Oran.
Il subit par la suite de nombreuses invasions maures et turques puis portugaises qui assainirent ce lieu devenu au fil des siècles un nid de forban.
Au XV° siècle les Espagnols en firent la base militaire entourée de forts autour du præsidium que devint Oran avant de redevenir Turque au XVI° siècle sous Soliman le magnifique et son amiral Barberousse.
Finalement il devint Français en 1830.
Ce port le resta jusque en 1976 puisqu’en 1962 lors des accords d’Evian qui mirent fin à la présence française en Algérie il était devenu une base militaire de très grande importance qui devait restée à la France pour vingt ans… mais sa conception ne correspondait plus aux donnes de la guerre maritime et il fut abandonné.
C’est en 1939 que mes parents ont eu l’occasion de voir là une petite propriété située au milieu de l’amphithéâtre constitué par les montagnes portant à l’ouest le fort Santon et à l’est le djebell Murdjadjo portant le fort de Santa Cruz . Au centre un petit relief portait aussi un ouvrage fortifié. C’est dire que la vue de la baie comportait ainsi un certain nombre de canons dont j’allais un jour voir ce qu’ils étaient capables de faire !
Au pied ouest de la montagne se trouvait la Djennina ( le jardin), propriété de mon grand oncle. La terre glaise était abondante il avait donc créé une briqueterie mais il a cru aussi possible de lotir le bord de l’eau entre Roseville et Mers El Kébir cela devait devenir la cité Longchamp mais dès 1933 un glissement de terrain très important a porté sur tout le plateau des Ozaras qui dominait cette future cité. Le projet est resté en gestation jusqu’à ce que en 1939 tout ces terrains aient été expropriés pour la construction du port de guerre.
C’est dire combien cet amphithéâtre naturel était intégré dans ce projet et cela explique les événements que j’y ai vécu et que je vais relater.
Une ferme était là avec un petit vignoble et une petite source dont je n’ai appris que récemment le nom : Ain Khadidja. La vue était extraordinaire sur la rade et sur toute la baie d’Oran car à l’horizon se profilait la pointe de l’aiguille, cap très avancé qui séparait cette baie de celle d’Arzew. La vue a décidé mes parents. Ils ont acheté cette terre qui devait être le théâtre d’évènements historiques.
Pour entrer dans les détails de cette propriété je dois dire qu’elle avait à l’ouest et à l’est deux voisins. Les terres ont toujours été en friche ou en céréales que je n’ai jamais vu récolter. Décidément cette région n’était pas faite pour enrichir les propriétaires. Pourtant au hasard d’une conversation récente j’ai appris l’origine de cette propriété. Un de mes amis le commissaire Brunetti me disait que son grand père était arrivé en Algérie pour prendre possession d’un concession à Mers el Kébir. Devant mon étonnement, il m’a montré les origines de cette attribution. C’est justement celle là et elle portait le nom de Aïn Khadîdja.
Elle était sur le tracé de la route des andalouses ( sait-on que le nom de cette plage est du au fait qu’elle a été le lieu de débarquement des maures chassés d’Andalousie par les rois catholiques ?) qui passait par le col. Ce n’était qu’un chemin de terre et que personne n’utilisait sauf quelques chevaux ou ânes pour descendre de la montagne vers les villages de Bou Sfer et la plage.
A ce col il y avait, depuis probablement la conquête, une source captée que tout le monde appelait la fontaine du génie. C’était une source d’eau douce ou chacun venait s’approvisionner et tout particulièrement notre famille. L’eau d’Oran on s’en souvient était alors saumâtre
Plus bas dans le bas de cet amphithéâtre se trouvaient les terres qui entouraient le village.
C’est dans l’un de ces terrains que devait être construit en juillet 1940 le cimetière des marins dont les corps ont été extraits du Bretagne coulé sur place.
Cette route des Andalouses partait de Roseville passait au-dessus de la maison et était rejointe par celle qui montait de Mers el Kebir. En fait, ellen’était qu’un vestige très ancien. La seule utilisée était celle du village qu’empruntaient, à cette époque, les camions de la société Schneider exploitante des carrières à l’ouest de la maison. Ils descendaient la pierre vers les quais en construction. Ce charroi a cessé par la suite car les déchets produits par les énormes cavités creusées dans la montagne pour la base de sous-marins ont probablement suffit à fournir le matériau nécessaire.
Les explosions dans ces carrières entraînaient des ébranlement importants de la régions et nous étions prévenus à l’avance. Un jour ou nous avons négligé l’annonce, j’ai senti les mouvements et craquements de la maison et cela a été très impressionnant !
II y avait là une cave à vin de quelques hectos en 3 cuves . Elle était alors surmontée d’une petite habitation. J’ai le souvenir d’une habitation confortable.
J’ai vécu là des années merveilleuses et parfois tragiques,
La guerre de 1939 éclate. Mon père est parti sur la ligne Mareth aux fins fonds de la Tunisie
1940 il a été démobilisé, nous est revenu dans la famille et la vie civile.
III Les 3 et 6 juillet 40
Dans cette période nous avons vécu, les 3 et 6 juillet 1940, l'attaque de la flotte française par les Anglais et la mort de 1297 marins qui ont été enterré dans un cimetière provisoire mais persistant encore aujourd’hui au bas de la propriété.
Que s’est-il passé ?
On pourra toujours épilogué sur la motivation de Churchill que l’histoire reconnaît comme le décideur de cette attaque.
En prévision de l’entrée en guerre de l’Italie l’escadre française avait été mise pour des interventions en méditerranée sous le commandement anglais. A la suite de la débâcle elle s’est repliée dans les possessions africaines. C’est la raison pour laquelle l’amiral de la Flotte Darlan avait été appelé par le maréchal Pétain en vue de la discussion des conditions d’armistice car lui disait-il « vous êtes le seul dont les affaires ont marché ». L’existence de cette flotte garante de l’intégrité des territoires d’outre mer, a pesé assez lourd dans les conditions de l’armistice pour limiter les exigences des allemands.
Elle devait cependant être désarmée et maintenue au mouillage.
Le message de Darlan est sans équivoque :
« La situation militaire et civile a conduit le gouvernement à faire ouverture d’une paix honorable à nos ennemi. Quelque soit l’évolution de la situation, la marine peut être certaine qu’en aucun cas la flotte ne sera livrée intacte à l’ennemi. Tous ordres à ce sujet seront authentifiés par signature Xavier 377 sans laquelle ils seront nuls.
Toujours est-il que nos bateaux étaient à l’amarre et les chaudières éteintes quand la flotte anglaise sous la bannière de l’amiral Sommerville sur le cuirassé Hood, avec les cuirassés Résolution Vaillant,3 croiseurs, le porte avions Ark Royal s’est présentée devant la rade et a transmis un ultimatum à l’amiral français Gensoul de se rendre à lui en vue de rejoindre Gibraltar. Les tractations ont duré toute la journée et devant le refus d’obtempérer les anglais ont ouvert le feu depuis le large après avoir réglé leur tir tandis que nos marins faisaient l’impossible pour remettre en marche les chaudières.
Dans la position ou se trouvaient nos bateaux leurs tirs étaient quasi impossibles puisqu’ils étaient barrés par le djebel Santon. L’intrication de tous ces cuirassés était telle qu’ils constituaient une cible idéale et comme je le dirai certains ont été atteints alors qu’ils avaient encore leurs amarres à quai.
Le 3 juillet mes parents qui ont pris connaissance de l’ultimatum lorsque je suis rentré du lycée qui avait fermé ses portes, nous avaient mis à l’abri dans une propriété familiale hors d’Oran.
Nous en sommes rentrés le lendemain et j’ai alors eu sous les yeux l’odieux spectacle du cuirassé Dunkerque échoué contre l’usine électrique et du contre torpilleur Mogador qui avait sauté sur une mine dans la passe et s’était volontairement jeté à la cote devant la cité Longchamp.
Dans la Djennina était retombé le contenu du sac du vaguemestre du cuirassé Bretagne qui avait sauté dès le début de l’attaque anglaise. Il n’avait pas encore largué ses amarres lorsque sa soute a reçu un obus de 380 du cuirassé anglais le Wood. Nous avons ramassé ces lettres adressées à leurs familles par les marins pendant les heures qui précédaient la fin de l’ultimatum anglais. Je n’ai pas le souvenir de leur contenu car les adultes se sont chargés de les recueillir pour les remettre aux autorités.
Mais, le Dunkerque n’avait qu’une avarie de barre en raison de l’obus qui l’avait touché lors de son appareillage, et il s’était échoué contre l’usine électrique. Pendant ce temps le Strasbourg et la flotte de contre torpilleurs étaient sortis du port et les anglais ont refusé le combat. Il faut en effet savoir que la portée des canons de cette classe de cuirassé était plus grande que celle des bateaux anglais c’est à dire qu’ils pouvaient atteindre l’ennemi en étant hors de portée de la riposte. L’attaque s’arrêta donc à ce stade.
Le Bretagne avait sauté encore amarré. Le cuirassé Provence et le contre torpilleur Mogador avaient été gravement touchés et s’étaient échoués. Le Strasbourg, le Commandant TESTE et la flotte des contre torpilleurs sauf le Mogador étaient intacts.
L’échec de cette tentative de destruction de toute notre marine résultait surtout de la sortie du Strasbourg et du Dunkerque peu atteint. Or Sommerville était persuadé avoir détruit ce dernier. Mais l’interception de message lui apprit que ce cuirassé n’était que blessé.
Lorsqu’il comprit que les deux bâtiments les plus redoutables avaient échappé au massacre Sommerville se dit qu’il avait faille à sa mission.
C’est la raison pour laquelle une seconde tentative a eu lieu le 6 juillet par avions torpilleurs. Ce choix avait tout de même été fait plutôt que le simple bombardement afin d’éviter l’atteinte des civils du village. L’utilisation de ces torpilles était pourtant assez risqué car la profondeur qu’il leur faut pour être efficaces dépassait celle des eaux ou était échoué le bateau.
Ceux ci sont arrivés en passant au dessus de notre maison et en rase motte sont parvenus sur le village. Notre fermier disait qu’il aurait pu les tirer au fusil lorsqu’ils sont passés sur sa tête.
Sur une série de torpilles, une seule a porté mais malheureusement elle a atteint le remorqueur et le chaland qui étaient contre le bateau pour le décharger de ses munitions en vue de sa réparation. Le projectile les a touché et provoqué l’énorme explosion qui a fait encore une cinquantaine de morts et, sur le cuirassé, une brèche aussi grande qu’un immeuble de 4 ou 5 étages.
Dès les jours suivants nous avons assisté au transfert des corps vers le bas de la propriété ou ce cimetière a été improvisé immédiatement. C’est depuis un important champ de croix blanches ou paraît-il quelques civils ont eu l’honneur d’être enterrés aussi.
2000 français sont morts ce jour là sous les obus anglais ! (1300)
C’est assez dire que nous ne portions pas les Anglais dans notre cœur et que l’appel de de GAULLE, 10 jours après, ne nous a pas enthousiasmé. D’autant qu’il s’opposait au maréchal PETAIN reconnu comme chef légitime de ce qui était encore le gouvernement de la république. Travail, Famille, Patrie étaient à cette époque à la base de notre société.
Lors de la première attaque, comme l’ultimatum anglais datait du matin, la population de Kébir est venue se réfugier sur les hauteurs et c’est tout naturellement que la cave à sous jacente à la maison a été mise à sa disposition comme logement collectif. Ce n’était que la première fois car si l’attaque des avions trois jours plus tard n’était pas prévisible, le débarquement américain deux ans après allait ramener le village chez nous.
Dans les deux années qui suivirent nous passions dans cette villa les week-end et les vacances. L’automobile avait disparu faute d’essence et le cheval était roi. Le lundi matin je rejoignais donc le lycée avec une petite voiture à cheval : une trotteuse, par le chemin vicinal 44 évitant Kébir au flanc de la montagne et qui est la route des andalouses. Elle longeait une carrière de terre glaise de la briqueterie de mon grand-oncle.
J’ai vu alors une autre scène de guerre inimaginable pour les jeunes générations
IV Les fusillés
J’ai assisté à l'exécution, sous mes yeux d'adolescent, de 3 marins qui voulaient amener leur bâtiment à Gibraltar et n'avaient pas réussi. Lors de leur procès leur avocat faisant valoir leur jeune âge auprès de la cour martiale s’était entendu dire qu’il n’avait pas d’effort à faire car dans les traditions de la marine ils auraient dus être pendu haut et court au mat du bateau des la fin de la mutinerie.
C’était alors des Rebelles.
Aujourd’hui ce sont des héros !
Pour arriver au lycée à l’heure de la rentrée, je conduisais la trotteuse à grande vitesse en descendant légèrement. Il était environ 6 heures du matin. Au détour d’une petite courbe, le gendarme devant bloquer le passage a été surpris car en principe il ne passait jamais personne par ce chemin. Lorsqu’il a pu nous stopper nous avions sous les yeux le champ de tir et les hommes abattus au pied de leur poteau. J’ai vu alors donner les coups de grâce et rendre les honneurs dans un silence mortel par les sections qui avaient tiré. Le gendarme était désespéré de m’avoir laissé ce spectacle mais mon père n’a rien fait pour me le cacher. Je ne vois d’ailleurs pas ce qu’il aurait pu faire à moins de me mettre quelque chose sur la tête. J’ai probablement eu une drôle de tête en arrivant au lycée pour le raconter à mes copains !
Cette période n’est pourtant pas pour moi un mauvais souvenir. C’est l’époque ou si la population était privée de beaucoup de choses essentielles, cela était très atténué pour nous car nous avions comme dans toutes les fermes, les produits de la terre, les vaches les cochons etc. Cela m’a permis de connaître personnellement la vie de la campagne.
Mais je n’ai jamais vu un allemand.
Nous ignorions tout de la guerre sinon par les nouvelles de la radio et personnellement je ne situais pas du tout le front autrement que sur la carte de la Russie. Je faisais alors mes études secondaires et apprenait théoriquement l’allemand. Les tracts nous sont tombes sur la tête annonçant je ne sais quelle libération.
Les américains avaient débarqué sur la plage des andalouses dont nous séparait un plateau aride
Accompagnant mon père je suis monté au haut de la propriété ou, disait-on, quelques choses se passaient. Nous sommes arrivés au sommet et à peine découverts avons vu des hommes casqués qui progressaient dans le maquis plus ou moins en se cachant. Ils auraient pu nous tirer comme du gibier.
A ce moment un petit avion passa au dessus d’eux et lâcha ce qui me semble aujourd’hui avoir été de simples grenades. Cela a suffit à mon père pour comprendre que nous étions dans un no mens land et que nous n’avions pas intérêt à y rester. Il m’entraîna vers la descente et lorsque nous sommes arrivés à la villa. La population du village une fois encore était montée se réfugier chez nous ce qui créait un attroupement conséquent.
Une petite voiture rigolote était là avec deux hommes armés jusqu’aux dents assez agressifs qui nous regardaient en chien de faïence. Ils ne parlaient pas le français et à nos tentatives de question répondaient quelque chose que j’interprétais comme « undserstand » : notre position alors que ma sœur, en bonne anglophone traduisait : « i dont understand » : je n’ai pas compris. C’était des américains ! Toute la journée les événements se sont éclaircis mais la raison de la présence de ces deux hommes ne nous est parvenue que plus tard.
En fin de soirée un représentant des autorités françaises est venu convaincre ces deux américains de les accompagner et ils n’ont accepté qu’à la condition de garder leurs armes. La jeep puisque c’était la première que je voyais a été rangée dans la cave avec la garantie de mon père que personne ne la toucherait et bien en a pris aux réfugiés qui dormaient à coté car elle était bourrée d’explosifs ! Ces hommes chargés de faire sauter une fortification sur les hauteurs du Murdjadjo, s’étaient trompés de chemins et avaient échoués en plein dans nos lignes considérées alors comme ennemies !
Pour la compréhension de leur erreur il faut dire que le haut de la propriété atteignait le plateau sur lequel nous étions monté le matin. Sur ce plateau ou rampait la première armée américaine en direction d’Oran depuis la plage des andalouses ou elle avait débarqué, se trouvait une route et donc un croisement qui dirigeait soit vers Mers el Kebir soit vers le plateau dit de bel Horizon. A partir de ce petit hameau de trois ou quatre maison secondaire sans grande valeur, le plateau du Murdjajo continuait sur le fort de Santa Cruz et les anciens forts espagnols du vieil Oran. Le croisement, ils ne l’avaient pas remarqué. Les cartes ne devaient pas être très précises pour ce genre de chemin baptisés route ! Au lieu de monter, ils sont descendus jusqu’à nous.
Dans la journée et la nuit qui ont suivi, nous avons vu tirer les canons de tous les forts. Les feux d’artifice étaient magnifiques. Mais avec les américains étaient venus aussi des forces anglaises. C’étaient les commandos de lord Montbatten qui avient la prétention de se saisir du port d’Oran.
Avec une inconscience totale ces deux avisos sont entrés dans les bassins du port ou ils ont été canonnés à bout portant. Ils ont sauté sous nos yeux, un aviso américain a sauté dans le port d’Oran et!
Cette attaque stupide de ces deux bateaux s’est terminée par la mort de nombreux marins mais aussi de leur chef dont l’histoire dit qu’il a eu de la chance de mourir là car ils serait passé en conseil de guerre s’il avait survécu.
Lorsque les soldat sortis de l’eau ont été recueillis par les nôtres leur question était : ou sont les allemands !
Effectivement nous avons reçu à coup de fusils et de canons ces américains pendant trois jours et il y eut beaucoup de morts, pour rien, des deux cotés. Dans la nuit suivante, une fois encore, nous sommes partis sur une voiture à chevaux par la même route descendant par Roseville vers Oran. Lorsque nous sommes revenus dans cette maison par la suite il y avait un certain nombre de balles un peu partout dont deux dans la tête de lit de mes parents !
Et qu’est devenue la base de Mers el Kébir ?
Les travaux n’ont pas cessé pendant les 20 ans qui ont suivi. La possibilité de guerre atomique a poussé nos ingénieurs à prévoir des travaux pharaoniques. Le djebel Santon a été creusé comme un fromage de gruyère avec des cavités qui devaient réceptionner une véritable ville souterraine . Celle ci devait être autonome pendant des mois avec le stockages des vivres et carburants.
Un port militaire magnifique est donc né et devait être conservé par la France au terme des accords d’Evian.
Une importante base aérienne avec des pistes destinées aux plus gros avions a été intégralement construite dans la plaine de Bou Sfer et tout cela a été remis en 1976 à l’Algérie indépendante.
Et pourtant, déjà en 1963 le plan d’au était utilisé pour les régates et l’amiral Lorrain commandant de la base nous avait fait mouiller un parcours de slalom pour ski nautique !!!
La stupidité ne s’est pas arrêtée là.
L’amiral Darlan a été assassiné par Bonnie de la Chapelle sous la direction d’un mouvement royaliste persuadé qu’il était un obstacle au rétablissement de la monarchie en France. Le même Bonnie de la Chapelle a été immédiatement fusillé à Hussein Dey dans la banlieue d’Alger.
L’amiral a été enterré avec ses hommes dans le cimetière de Mers el Kébir au pied du mat du cuirassé Bretagne.
De Gaulle n’a pas été reçu comme le libérateur Il a eu des difficultés a s’imposer et devait le faire payer plus tard aux « pieds noirs ».
Quant à la Flotte française qui avait payé un si lourd tribu à la sauvegarde de son honneur et qui finalement après les réparations des bateaux blessés n’avait perdu que deux unités elle avait rejoint Toulon et a gardé sa ligne de conduite en se sabordant intégralement lorsque les allemands ont envahi la zone libre.
Ainsi elle a illustré cette belle réflexion de John Kennedy à propos de la crise de Cuba :
« La politesse n’est pas la faiblesse et la sincérité n’a de valeur que par la preuve »
Fin du texte "
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Échange de courrier entre Mr Henri Mongrenier et Mr Georges PLante-Longchamp
C’était l’après midi. Il faisait très beau et très chaud. Nous sommes montés au Santon
Nous ne savions pas ce qui se tramait dessous. A 20 ans on n’a pas la tête pleine de soucis toute la journée.
Puis nous avons entendu le 1er tir de canon et vu l’impacte. Puis un autre et un autre. Les sirènes sonnaient de partout.
Il y avait du bruit et l’odeur forte de la poudre. Dans le port, tous ce qui pouvait naviguer, tentait de se déplacer.
Nous sommes redescendus en courant jusqu’en ville. On entendait les obus qui sifflaient avant d’exploser. C’était l’enfer.
Du bord du « baranco » on a compris qu’une horreur se déroulait. On entendait le crépitement des incendies, et surtout, les hurlements des hommes blessés.
Un moment plus tard, des ambulances et des voitures de la marine arrivèrent au village.
Ils étaient remplis de cadavres. Il fallait les poser quelque part. La décision fut prise : le cinéma.
Pendant toute la nuit, nous avons, comme on nous l’avait demandé, reconstitués des corps humains.
On nous avait dit : 2 bras, 2 jambes, 1 tronc, 1 tête. Et si possible une plaque d’identité.
Cela a duré toute la nuit. Au matin nous étions couverts de sang et de larmes. Nous étions hébétés, incapables de savoir même ce qui s’était passé.
Une page de ma vie s’est tournée ce jour là ; ce jour ou j’ai perdu l’insouciance de ma jeunesse.
Rosalie Antoinette Costagliola (épouse de Belem puis Galtero) née en 1920.
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